En cet après-midi du 30 Juillet 1829, il fait chaud, l'air est étouffant et le temps tourne à l'orage.
Dans l’arrière-cour d'une ferme du village, le propriétaire des lieux s’apprête à brûler quelques tailles de haies, d'orties et de chardons qui séchaient depuis quelques jours, lorsque son voisin maçon l'interpelle pour discuter d'un tracé à modifier au sujet de travaux en prévisions.
Le fermier rebrousse chemin à la rencontre de l’artisan et demande à son commis de brûler le tas de saletés une fois la litière des chevaux finie. Ce que fit l'homme dès sa tâche terminée.
A l'écart des bâtiments, il commence prudemment à allumer un feu avec quelques brindilles pour l'alimenter ensuite de minuscules fourchées. Il est très attentif. Il a pour mémoire l'incendie de St Florentin 16 ans auparavant ; pas question de revivre un tel événement !
Le tonnerre gronde subitement, ce qui détourne son attention. Simultanément, un coup de vent déclenche un tourbillon d'air. Des flammèches s'envolent hors de sa vue. Il reprend sa tâche, calme le feu ravivé à coups de fourche.
Il n'a rien vu !
Dans son dos, sous l'effet d'une autre rafale, le chaume de la remise s’enflamme brusquement et bruyamment. Il se retourne, reste figé, impuissant.
Le clocher sonne 15 heures.
Les deux hommes, en pleine discussion, s’aperçoivent du désastre naissant. Ils chassent à voix hautes le monde de la maison, courent détacher vaches et chevaux déjà affolés. D'autres toits de chaumes s’embrasent rapidement. La fumée de plus en plus dense devient suffocante. Il n’est plus question de revenir dans les pénates pour sauver quelques objets de valeur. Cochons, poules, lapins sont abandonnés à leur triste sort.
Dans la rue, les gamins crient au feu, au feu, ... et le curé déjà averti se démène à sonner le tocsin, à peine secondé par son bedeau, ce dernier complètement sonné !
Le vent prend de la vigueur, les flammes aussi. Les habitants paniqués essaient de sauver ce qui est possible. Les femmes en couches, les malades sont extirpés de leurs paillasses. D'autres se télescopent avec charrettes et brouettes sur lesquelles sont jetés à la hâte denrées alimentaires, linges, vêtements, ...
La majorité des hommes sont aux champs, c'est la saison des moissons.
Alertés par la cloche et à la vue du panache de fumée au-dessus du village, ils saisissent immédiatement la gravité et prennent leurs jambes à leur cou pour revenir au plus vite au village. A peine arrivés, ils croisent des gens éberlués, hagards, noircis par la fumée, d'autres plus loin aident les moins vaillants. Dans la fournaise, des cris, des pleurs, les premiers craquements, les premiers éboulements. L’horreur !
Vers 16h00, l'orage éclate, libérant une eau qui aurait pu être salvatrice mais l'incendie est d'une telle puissance, qu'il n'en est rien, tout au moins à son commencement. La moitié des maisons du village sont en feu, l'église et les bâtiments proches sont miraculeusement épargnés. La pluie s'intensifie, des trombes d'eau arrivent enfin à bout des flammes évitant que l'autre partie du village s'embrase à son tour.
Quelques habitants, revenus sur place pour essayer de retrouver des biens, errent au milieu des fumerolles.
Détrempés jusqu'aux os, ils pataugent dans une bouillasse noire et épaisse, complément désorientés. On croirait voir des fantômes.
Les lieux sont méconnaissables, la scène complètement apocalyptique.
Beaucoup se sont retrouvés en périphérie du village, certains se sont réfugiés à l’église, d'autres à la ferme de Mailly ou au château.
Les habitants de Jaulges, le village le plus proche, alertés eux aussi par tocsin et fumées, viennent aider, soutenir, ravitailler, et proposent l’hébergement.
Après la panique, l'angoisse, l’abattement, ... enfin un peu de réconfort.
La nuit tombe sur le village.
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En cet après-midi, 65 maisons furent réduites en cendres avec miraculeusement une seule victime à déplorer, une personne âgée oubliée par tous, calcinée dans sa sieste.
La violence du vent fût si grande que des mèches de glui furent emportées jusqu'à Beugnon, éloigné de deux lieues.
Il a fallu s'organiser pour reconstruire. Les maisons furent rebâties et couvertes en tuiles, l'aspect du village fut ainsi changé, avec de plus grandes rues, de plus grands espaces, celui que l’on connait aujourd’hui.
Quelques chaumières épargnées par l’incendie, notamment dans le bas du village route de St Florentin, subsistèrent encore quelques années.
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Un exemple de chaumière de notre région |
Pour les amateurs d'anachronisme, ce tragique événement aurait purifié le village des esprits maléfiques, pffff...vaut mieux en sourire !
Effectivement, quelques faits divers de « sorcellerie » se seraient déroulés vers 1700, mais c’était il y a bien longtemps ! (
Voir les articles sur ce blogue).
Source et inspiration :
Histoire de l'abbaye de Pontigny ordre de Cîteaux ... de l'abbé Henry (Vaast Barthélemy Henry)
Contes et histoire vraies de la vie - Souvenirs d'un gamin de Chéu, village des bords de l'Armançon, (Chapitre 18) d'Yves Malaquin.
Les noms des personnages ont été retirés volontairement.