Devant cette impasse, le 24 janvier 1789, le roi louis XVI convoque pour le 1er Mai 1789 les Etats Généraux (composés 1154 députés répartis sur trois chambres) afin d’essayer de trouver une solution.
Pour servir aux Etats généraux, des cahiers de doléances sont rédigés en mars-avril 1789 par la noblesse, le clergé et le Tiers-Etat.
Ces cahiers contiennent plaintes et vœux des populations que doivent présenter les députés élus aux Etats généraux.
Ci-dessous, la transcription du cahier de doléances du Tiers État de Chéu faisant suite à une assemblée du 15 Mars 1789.
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Cahier de doléances du Tiers État de Cheu (Yonne)
Cahier de doléances du Tiers État de Cheu (Yonne)
1°. Les habitants de la paroisse de Cheu chargent leurs représentants aux États généraux de prendre une communication exacte de l'état actuel des finances, lequel sera certifié véritable parle sage ministre qui en est chargé ;
2°. De voter pour l'unité et l'uniformité de l'impôt, lequel sera supporté par les trois Ordres, chacun à raison de ses propriétés, facultés et industrie, qui ne sera accordé que pour le temps fixé par les États généraux, sans qu'il puisse être prorogé ni augmenté, consenti ou enregistré par les cours de parlement au delà du terme, ou par quelque autre Cour qu'on voudrait lui substituer, quelque dénomination qu'on veuille lui donner, pour quelque cause ou prétexte que ce puisse être, entendant que les États généraux soient convoqués toutes les fois que le besoin le requerra ;
3°. De ne consentir aucun impôt avant qu'on ait fait droit sur les réclamations du Tiers état.
4°. Demander que les provinces s'abonnent avec le Roi ; que chaque province sache ce qu'elle aura à payer, de manière que l'impôt n'excède pas ses forces réelles ; en conséquence, faire procédera une nouvelle répartition de province à province, dans laquelle la province de l’Île-de-France sera diminuée : on sait combien elle est foulée ; plus on s'éloigne de la capitale, plus son terrain devient sec et aride, et plus les communications pour le transport des denrées sont difficiles. Nous en donnons pour exemple les élections de Saint- Florentin, Tonnerre et Vézelay. Les justes proportions de l'imposition n'ont point été observées à l'égard de ces élections avec celles de la Brie et des voisines de la ville capitale.
5°. Demander que, dans la distribution de l'impôt de la province pour chaque élection et pour chaque paroisse, cette justice distributive soit scrupuleusement observée ; que chaque paroisse fasse son imposition elle-même sans frais, sans le secours de ces subalternes connus sous le nom de commissaires, qui coûtent gros aux contribuables, qui ne leur sont d'aucune utilité et qui les premiers ont introduit l'arbitraire.
6°. Dans la possibilité de réunir tous les impôts dans un seul ou dans tout autre système, demander la suppression des droits d'aides, des gabelles et tous autres droits appartenant aux cinq grosses fermes, la diminution des entrées de Paris ; rendre toutes les productions de la terre, comme le sel et le tabac, marchands ; d'accorder en un mot liberté entière du commerce, de le débarrasser des entraves qui le gênent et qui dégradent l'humanité ; simplifier les impôts et leur perception.
Quelle économie pour le trésor royal ! Quelles richesses pour les sujets ! Le Roi en deviendra plus riche, les sujets plus à leur aise. Ils seront débarrassés d'une cohorte de gardes, de commis qui les ruinent, qui les vexent par une foule de procès-verbaux, injustes pour le plus grand nombre, tous ruineux. Le Souverain a-t-il besoin de cette armée de satellites qui dévorent sa partie la plus claire de ses finances pour tourmenter ses sujets ? Supprimez toutes ces prohibitions qui engourdissent le commerce, qui en coupent et restreignent les branches, qui gênent la circulation. Vous rendrez l'empire florissant, vous aurez le précieux avantage de retrancher de votre code criminel les lois pénales et infamantes qui ont fait périr dans des supplices nombre de citoyens qui n'ont commis d'autres crimes que ceux qu'une loi injuste et contraire au droit naturel leur a fait commettre. Quand on ne retirerait de la liberté du commerce que le seul avantage de conserver la vie à plusieurs milliers de citoyens, cet avantage nous paraît bien puissant pour faire une grande impression sur le cœur d'un Monarque qui veut être le père tendre, le père chéri de ses peuples.
7°. Puisqu'il est question d'une réforme générale dans toutes les parties de l'administration, demander la réforme des abus qui se commettent dans la perception des droits féodaux ou seigneuriaux qu'il serait bien intéressant pour le public de pouvoir racheter.
La plupart de ces droits sont la suite de la loi du plus fort.
L'ignorance, la barbarie des premiers siècles leur ont donné naissance. La subtilité des commissaires à terrier, qui sont pour l'ordinaire des âmes vendues aux seigneurs, les ont perpétués et singulièrement augmentés à l'insu des vassaux qui croient avoir fait leur déclaration d'un héritage libre dans une coutume libre, et qui ne sont pas peu surpris, eux ou leurs descendants, de se voir poursuivis et contraints pour le paiement de certains droits qui ne remontent pas à une époque plus reculée que leur dernière déclaration. Pour avoir la preuve de cette vérité affligeante, il ne faut que compulser les derniers terriers faits depuis cinquante et même vingt-cinq ans. On verra que leur confection n'a eu que deux objets en vue : étendre les droits des seigneurs aux dépens des censitaires et enrichir les commissaires à terrier.
Lorsqu'un vassal est poursuivi pour de nouveaux droits que ses prédécesseurs ne devaient pas, en vain demande-t-il la représentation des anciens terriers. C'est une justice qui lui est refusée. Ces terriers, grosses et minutes, sont dans les archives des seigneurs. Ils se gardent bien de les produire :
1° parce que presque tous sont informes, remplis de surcharges et de ratures, jamais clos ni finis ;
2° parce que, suivant l'axiome de droit, personne n'est obligé de produire contre soi-même.
En conséquence, pour obvier aux abus des nouveaux terriers, demander :
1°) Comme les terriers sont un acte commun qui intéresse le censitaire comme le seigneur, qu'il en soit déposé une expédition revêtue de toutes ses formalités soit dans les archives de la paroisse ou le coffre-fort de la fabrique, soit au greffe ou dans l'étude du notaire royal le plus voisin, pour que les parties qui auront besoin d'en lever des extraits puissent y avoir recours toutes les fois qu'elles le voudront ;
2°) de fixer la rétribution des commissaires à terrier à un prix qui ne soit ni ruineux ni onéreux pour les particuliers ;
3° ) de voir dire que les terriers seront parachevés dans les temps fixés par l'obtention des lettres, et qu'ils ne seront clos que dans une assemblée d'habitants auxquels lecture sera faite de leurs obligations générales ou particulières insérées auxdits terriers, en présence de quatre témoins qui ne seront pas de la paroisse, qui signeront lesdits terriers avec ceux des habitants qui savent signer, afin d'éviter par là toute fraude et toute suspicion.
8°. Demander que les assemblées municipales soient conservées, soit que les provinces soient érigées en États provinciaux ou bien que les assemblées provinciales subsistent. Les assemblées municipales, depuis leur origine, ont toujours été animées du bien public ; elles ont cherché tous les moyens de le procurer : on a lieu d'en attendre un plus grand encore, à mesure quelles se perfectionneront.
9°. Demander que les dîmes retournent aux curés auxquels elles appartiennent de droit commun, La dîme est une contribution volontaire que les paroisses se sont imposée pour être desservies, pour recevoir de leurs pasteurs les instructions nécessaires, pour se procurer l'audition de la messe, l'administration des sacrements, et généralement tous les secours spirituels et temporels dont peuvent avoir besoin tant en santé qu'en maladie. C'est donc contre le vœu de cet établissement que les dîmes appartiennent aujourd'hui aux gros bénéficiers, aux chapitres des églises cathédrales, collégiales ou autres communautés religieuses, même à des laïcs qui appellent ces sortes de dîmes inféodées, qui ne contribuent en rien aux charges des paroissiens qui ne retirent aucun secours, aucune consolation de cette classe de bénéficiers. Pourquoi ils se croient bien fondés à demander le retour des dîmes à leurs pasteurs dont il est intéressant, pour les besoins de l'humanité souffrante, d'améliorer le sort.
Nous le disons ici avec tout l'attendrissement et la reconnaissance dont nous sommes capables, nos curés sont nos pères : si nous sommes dans l'affliction, ils nous donnent des consolations ; si nous sommes dans le besoin, ils nous tendent une main secourable. Nous en avons fait la douce expérience dans l'hiver rigoureux que nous venons d'essuyer. Si tous n'ont pas fait ce que la bonté de leur cœur leur suggérait, c'est que, malheureusement, ils n'en avaient pas la faculté.
Notre joie serait parfaite si nous pouvions payer le même tribut d'éloges à nos gros seigneurs, si jaloux de leurs droits dont les gens d'affaires poursuivent le recouvrement avec tant d'avidité. Ces gros seigneurs vivent dans la capitale ; ils y dépensent tout ce qu'ils retirent de leurs terres que nous cultivons et dont il ne nous reste que les sueurs et les larmes. Ils ne sont pas témoins de nos larmes comme nos pasteurs, aussi n'ont-ils pas le même empressement à les essuyer.
10°. Enfin, donnons à nos députés tout pouvoir de pour nous et en notre nom, de concert avec les députés des autres paroisses, proposer, remontrer, accorder tout ce qu'ils croiront utile pour le bien du royaume, la pleine et entière satisfaction de Sa Majesté et pour le soulagement de cette paroisse.
Fait et donné dans notre assemblée du 15 mars 1789, en exécution du règlement de Sa Majesté du 24 janvier dernier.
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Difficile de ne pas faire un parallèle avec ce qui se passe aujourd'hui, 230 ans plus tard : déficit de l'état, crises sociale et politique, grand débat, ... mais cette fois, pas de sans-culottes. Des gilets jaunes !
Que se passera-t-il en Mai 2019 ?
Le 5 Mai 1789 commença la révolution française.
Source : AD89
Source : AD89
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