Information :

Pour un complément d'information, n'oubliez pas de cliquer sur les liens en rouge.

24 février 2019

Nos fidèles cendrées




Comme tous les ans, depuis la nuit des temps,  elles survolent notre village par vagues successives et annoncent le beau temps. Nous sommes nombreux la tête tournée vers le ciel à les regarder traverser notre contrée.
D'abord les premières, celles qui hivernent dans le centre de la France ou le sud-ouest, généralement pendant la 2ème quinzaine de février, puis passent ensuite les « espagnoles » et les "rares africaines" en début mars.
Elles forment dans le ciel de grands V à coup de "krooh" perçant et nasillard (ou de « grou grou » suivant les oreilles), leur cri de ralliement. Parfois un peu brouillonnes !
Elles feront probablement une pause Champagne aux abords des grands lacs de cette région avant de repartir plus loin, destination le nord de l'Allemagne ou de la Pologne, principalement en Scandinavie.
Parfois nous pouvons les  voir  faire une petite halte casse-graines dans nos plaines !
Elles sont ainsi plus de 300 000 à transiter en France pour rejoindre, en cette période, leurs lieux de nidification.
Leurs silhouettes sont facilement reconnaissables en vol, cou et pattes tendus. Toutes de gris vêtues avec une petite calotte rouge plus ou moins discrète en fonction des individus, de leurs âges et aussi de la saison, elles ont un poids moyen de 5 kg, une envergure moyenne de 2,20m. Ce sont des oiseaux omnivores imposants et les couples sont unis pour la vie, ...ce sont les grues cendrées.

Elles repasseront à l'automne annoncer le froid lors de leur migration post nuptiale, direction le Sud, pas toutes, puisque elles sont aujourd'hui de plus en plus nombreuses à hiverner en Champagne.

Des grues en plaine de Chéu
Formation en V
Pause en plaine Chéutaine
Bon vol !


La Grue cendrée en quelques chiffres :

Espèce protégée en France depuis 1967
Vitesse de vol : 40 à 80 km/h en moyenne. Si les vents sont porteurs et puissants, la grue se déplace à plus de 100 km/h. La grue peut donc traverser la France en une journée.
Altitude de vol : de 200 à 1 500m.
Population transitant par la France : environ 360 000 individus
Population hivernant en France : environ 100 000 / 120 000 individus

Sources :
LPO Champagne-Ardennes
Oiseaux.net
Emballage :
Le Chéutain




19 février 2019

80 ou 90 km/h


Dans la 4ème colonne, le temps gagné à rouler à 90 km/h au lieu de 80 km/h.
En jaune, la moyenne kilométrique parcourue quotidiennement par les français.




A vos commentaires, si cela vous chatouille !




18 février 2019

Les Baroudeurs



Bravo pour leur engagement et les animations qu'ils ont pu mener à bien pendant huit années.
Bonne route aux dirigeants, et qui sait, peut-être à bientôt sous une autre forme.






17 février 2019

Ralentisseurs



Courant Mai/Juin 2018, réalisation de quatre plateaux ralentisseurs sur les axes principaux de la commune, route de St Florentin, de Jaulges, de Ligny-le-Chatel et de Lordonnois.
Un plus pour la sécurité des riverains, des piétons, des cyclistes, même si quelques irresponsables repartent de plus belle après les ralentisseurs.
Mais là, c'est un autre débat !

Chéu, le ralentisseur route de Jaulges
Route de Jaulges

Pour en savoir un peu plus sur l'aspect technique des ralentisseurs, voir ce guide.





14 février 2019

Chéu - Carte de Cassini

Au XVIII° siècle, dans la famille Cassini, il y a eu le père César-François, puis le fils Jean-Dominique, tous deux issus d’aïeux illustres. 
Père et fils ont élaboré la première carte topographique et géométrique établie à l'échelle du royaume de France qui sera ensuite publiée au nom de l'Académie des sciences.


Chéu sur carte Cassini
Chéü et ses alentours en 1759.
A proximité de Chéü (toponyme de l'époque), sont inscrits les noms de :

  • Le Petit La Relle
  • Fief de Cogne
  • Mailly


Si ce dernier nous est connu sous le nom de la ferme de Mailly (actuellement sur la commune de Jaulges) , les deux autres le sont bien moins.
Alors si quelqu'un avait la réponse ou ne serait-ce qu'un indice, ça serait sympa de mettre un petit commentaire.
Merci d'avance.








13 février 2019

Mise en bière

Mise à jour du 8/09/2019
Le phénomène n'a plus l'air de se reproduire depuis quelques mois. Carton rouge retiré ! 
A suivre ...

***

Derrière l'église, proche de l'école, cela fait plus d'une année que ça dure !
Et c'est reparti pour 2019 😢

Canettes de bière à Chéu
Réunion de canettes au pied de l'église.
.

Gros plan d'une canette.

Pour plus de détails concernant le breuvage, c'est ici.




10 février 2019

Canulars informatiques

Les médias font actuellement beaucoup de bruit autour des canulars informatiques sous leurs différentes formes ("hoax", "fakenews", "deepfake") et qui n'a pas eu à s'interroger sur la véracité d'un message, même d'un proche, d'une information, d'une photo, d'une vidéo.
Ce n'est pas un phénomène récent mais avec l'expansion des réseaux sociaux, il s'amplifie de jour en jour et devient une réelle plaie 😠  

Afin de se rassurer et ne pas relayer n'importe quoi , ci-dessous quelques bonnes adresses et outils pour y voir plus clair :

Un généraliste, Hoaxbuster, il existe depuis 18 ans, il a fait ses preuves !
Dans le même genre, Hoaxkiller, légèrement plus jeune.

Un spécialiste de la photo, Google Images un pt'i clic sur l'appareil photo, il suffit ensuite d'importer  une photo, ou de coller son lien et ...hop, c'est assez efficace !
La même chose avec Tineye, pour ceux qui sont familiarisés à l'anglais mais rien de compliqué, c'est quasi le même principe que pour Google Images.

Libé, le journal, donne la possibilité de poser une question sur un évènement.
A voir avec le temps !

Aussi, à chacun de nous d'être vigilant. Rien de tel d'avoir l’œil, le flair, ...comme par exemple un texte pas très bien formulé et/ou bourré de fautes,  un logo douteux, un lien avec une adresse bizarre, ...





7 février 2019

La saga des Sorciers

..ou plutôt,  des apprentis-sorciers !
N'oubliez pas de cliquer sur les mots en caractère gras, ils vous conduiront vers un complément d'information.

Au fil des recherches entreprises, deux périodes se distinguent :
La période qui pourrait être qualifiée d'anté-Moiset, et donc par conséquence une autre nommée post-Moiset.
Il faut reconnaitre l'habilité de Charles Moiset d'avoir fait resurgir en 1876 quelques faits divers enfouis dans le passé et avoir su développer l'imagination de ses "successeurs", ainsi que celle des lecteurs.
Dommage qu'il ne cite aucune source !


Commençons par la période post-Moiset :


En 1931,  Maurice Pignard-Péguet, ancien professeur d'université, avec cette version consultable dans les  "Histoire des communes de_Yonne, Tome I", concaténant deux écrits de Ch. Moiset, visibles sur ce blogue.

En 1989, avec celle plutôt bien arrangée d'André Ségaud, chroniqueur historique, visible ici .

En 2011, celle du néo-folkloriste Roger Maudhuy qui nourrit Wikipédia, faisant référence à un document et à un témoin qu'il ne peut citer !

En 2017 l'entrevue donnée à FranceBleue du maire actuellement en service, faisant référence à  une archive du diocèse de France. Sauf que le diocèse de France n'existe pas ! Version audio.
Pour ces deux derniers cas, si toutefois ces documents existaient,  il est quand même fort regrettable que ces personnes fassent de la rétention d'information aux dépens de la mémoire collective.

Aussi en 2017, ce blogueur qui se lâche, fort persuadé que Chéu est la couche du diable.
Et une autre entrevue du maire. Décidément, il faudrait penser à lui offrir un balai !!

Et pour finir (à ce jour) en 2018, cette fresque , ce qui permet de sortir des écrits 😵, visible sur le pignon de la maison d'une conseillère probablement envoutée par notre maire et ses belles histoires.


Venons maintenant à la période anté-Moiset, bien plus proche de la source :


En 1839, Vaast Barthélemy Henry, dit l’abbé Henry, historien régional, évoque des faits (sans utiliser le mot sorcier) dans son "Histoire de l'abbaye de Pontigny ordre de Cîteaux : suivie de quelques notices historiques sur les communes des environs et des principales pièces justificatives",  ceux-ci sembleraient avoir inspiré Charles Moiset !

En 1809, "Histoire générale des cérémonies, mœurs et coutumes religieuses de tous les peuples du monde", par l'abbé Banier de l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, reprend un fait-divers évoqué par le prêtre Pierre Lebrun en 1732 (voir ci-dessous).
Au moins lui citait ses sources.

En 1732, voir l'article sur ce blogue.

En 1702, des travaux préliminaires de Pierre Lebrun relatent les faits de Montigny-le-Roi tels qu'ils ont été transcrits en 1732 mais ne couvrent pas ceux de Chéu.

Il existe aussi deux livres contemporains flirtant avec ce thème :
Un, autobiographique, écrit par un ancien enfant du village, Yves Malaquin : "Contes et histoire vraies de la vie - Souvenirs d'un gamin de Chéu, village des bords de l'Armançon,  Chapitre 12" (ISBN 2-9524968-0-3)
Il lui était probablement difficile de passer à coté !

L'autre un roman-fiction "Le sorcier de St Florentin" d'Eurydice Jenkins.
(ISBN 978-2-916600-30-7)









6 février 2019

Les Sorciers en 1700 par P.Lebrun

Ci-dessous une transcription d'un extrait de "Histoire Critique des Pratiques Superstitieuses" Tome II, p301 de Pierre Lebrun, prêtre de l'oratoire, publié en 1732
Ce texte en vieux français (non corrigé) relate ce fait divers de la paroisse de Chéu. 
Il fait suite à un autre texte (procès verbal inclus) traitant d'une affaire hautement plus importante survenue dans la paroisse de Montigny-le-Roi, (aujourd'hui Montigny-la-Resle).
Dommage que le procès verbal concernant Chéu n'apparaisse point !


...
Quoi de plus singulier qu'un grand nombre de personnes qui s'accusoient mutuellement de sortilege, n'ayent pû enfoncer dans l'eau, où elles avoient été jettées pieds & poings liés, comme le Procès Verbal  de ce Chapitre en fait foi. 
Cet usage ne cesse point ; car Mr. le Curé d'Hery qui est le lieu de la résidence du Notaire qui a dressé le Procès Verbal en question, envoyant à Paris une nouvelle copie de ce Procès, écrit du 17. de ce mois de Mars 1701. que dans la Parroisse de Cheu, Diocese de Sens, plusieurs personnes de different sexe, pour se justifier des reproches qu'on leur faisoit qu'ils étoient Sorciers , demanderent d’être baignés publiquement ! Il dit qu'on les lia à la maniere ordinaire, qu'on les jetta dans un endroit profond de la riviere d'Armanson, assés près de Saint Florentin & que ces malheureux ayant la confusion de demeurer toujours sur l'eau sans pouvoir enfoncer , furent par-là reconnus vrais Sorciers. Il ajoute que l'épreuve se fit l'été dernier en presence de plus de huit cens personnes.
Cette Lettre & une autre rélation plus détaillée nous apprennent une maniere singuliere dont on s'est avisé depuis plus de cent ans , de lier ceux qu'on jettoit dans l'eau. La posture est plus génante que celle que nous avons exposée plus haut, & elle est aussi plus propre à faire enfoncer dans l'eau. On leur lie les coudes sous le jarret, & les mains avec les pieds, en sorte que le pouce de la main droite est liée au gros orteil du pied gauche, & le pouce de la main gauche au gros orteil du pied droit. 
La figure le fera plus facilement entendre.





5 février 2019

Les Sorciers en 1700 par Ch.Moiset

Ci-dessous une transcription d'un écrit du folkloriste Charles Moiset, texte issu de l'Annuaire Historique du Département de l'Yonne de 1876, 3ème partie, page 23.





LES SORCIERS DE CHÉU EN 1700.

 Pendant la plus grande partie du XVI° siècle, en France, la croyance aux sorciers était encore universelle. Savants et ignorants, clercs et laïques, magistrats et médecins, tous étaient persuadés que le démon pouvait, à son gré, s'asservir les corps et les âmes. Pour ne citer qu'un exemple, vers la même époque (1674) où Mme de Montespan, ambitieuse de fixer à son profit les caprices du roi, faisait célébrer par Guibourg des messes diaboliques dans lesquelles son corps servait d'autel, le Parlement de Rouen, craignant que Louis XIV ne se laissât aller à commuer en bannissement perpétuel la peine du feu prononcée contre des sorciers, adressa à ce dernier une pressante requête pour chercher à le retenir. Cette savante compagnie, composée des esprits les plus distingués de la Normandie, croyait fermement que tout irait à mal en France si l'on s'écartait de la sinistre voie ouverte par les livres des Delancre, des Boguet et autres démonologues. Malgré ces résistances, toutefois, dans les derniers temps du XVII° siècle, l'horreur qu'inspiraient les sorciers s'humanisa quelque peu. Dans un édit, donné en juillet 1682, se rencontrent de sages dispositions empruntées à l'Ordonnance Caroline, d'après lesquelles ne devaient plus être frappées du dernier supplice « que les personnes assez méchantes pour joindre à la superstition l'impiété et le sacrilège, ou pour se servir de vénéfices et de poisons. » Quant aux actes de pure sorcellerie, le juge pourrait seulement infliger une punition exemplaire, suivant l'exigence des cas.
   
  Mais quel que fût l'adoucissement apporté aux anciennes peines, la crainte de passer pour sorcier n'en subsista pas moins, pendant longtemps encore, presque tout entière. Soit souci des rigueurs de l'opinion publique, soit défiance des appréciations arbitraires du juge, sitôt que l'on se sentait soupçonné de sorcellerie, rien ne coûtait pour établir son innocence, même par les moyens les plus hasardeux. Parmi les nombreux exemples que l'on pourrait tirer de l'histoire des pays dont se compose aujourd'hui le département de l'Yonne, les faits suivants en vont fournir la preuve.
  ***
  Un certain jour d'été de l'année 1700, à peu de distance de Saint-Florentin, un nombre considérable d'habitants de cette ville et des pays voisins se trouvaient réunis sur les bords de l'Armançon, en un point où cette rivière avait le plus de profondeur. Gens de tous âges et de toutes conditions étaient accourus avec un empressement qui indiquait l'attente d'une scène pour laquelle ils se passionnaient. Que devait être cette scène?... C'est au petit village de Chéu, situé à une demi-lieue de là, qu'il en faut aller chercher le secret.

  Chéu fut autrefois, paraît-il, une terre féconde pour la sorcellerie. Pendant des siècles, le Diable y régna en maître. A peu de distance de ce pays existe un bois, appelé le Sauvoie, dans lequel, suivant une tradition qui s'est continuée jusqu'à nos jours, se célébrait le Sabbat; et, il n'y a pas bien longtemps encore que, par ressouvenir du passé, on disait en parlant d'un habitant de ce village : « C'est un sorcier de Chéu. »

    Par quelles raisons Satan eut-il, ou du moins fut-il réputé avoir tant de prise sur l'esprit des Chéutins ? A défaut de cause plus certaine, on pouvait invoquer peut-être l'extrême misère dans laquelle ces malheureux furent longtemps plongés. Aujourd'hui que, par suite des changements apportés dans le genre de culture du sol, Chéu est devenu l'une des plus riches communes du canton de

  Saint-Florentin, ses habitants ne soupçonnent guère la sombre existence qu'eurent à mener leurs pères. Il ne faudrait pas remonter bien haut cependant pour retrouver des traces de l'ancienne misère de ce pays. Qu'on se figure un amas de chaumières insalubres et délabrées, enveloppées de toutes parts de bruyères et de marécages, n'ayant, pour communiquer avec les autres centres d'habitation, que quelques rares chemins, tout au plus praticables pendant la belle saison, voilà ce qu'était Chéu, il n'y a pas plus de quarante ans. Que si, au milieu du mouvement d'améliorations matérielles qui commençait alors à s'accroître notablement dans les villages de notre région, Chéu présentait encore un aspect aussi désolé, quelle ne devait pas être la situation de ce malheureux pays à une époque où nos campagnes étaient si profondément marquées du sceau de la barbarie ! En de telles conditions, il n'y aurait rien d'étonnant que les pauvres Chéutins, se croyant délaissés du Ciel tout autant que de la nature et de la société, eussent songé à se donner à la dernière puissance qui pouvait les secourir, c'est-à-dire à Satan. Aussi bien l'abandon au Diable fut-il le plus souvent un acte de dépit et de désespoir. A ceux que la terre abreuvait de tristesses, le noir esprit apparaissait comme un consolateur de qui l'on pouvait attendre soit appui, soit vengeance.

  Quoiqu'il en soit du mobile qui ait jamais dirigé les prétendus sorciers de Chéu, ce qui est assuré, c'est que, à différentes époques, des habitants de ce pays eurent à se défendre de l'accusation de démonolâtrie. Ce fut notamment une circonstance de cette nature qui détermina l'épreuve à laquelle venait assister la foule réunie sur les rives de l'Armançon.

  Depuis quelque temps, un certain nombre d'habitants de Chéu s'entr'accusaient de sortilèges et de maléfices. Si ces imputations étaient fondées, rien aujourd'hui ne met à même d'en juger. Tout ce qu'on sait, c'est que ces incriminations réciproques préoccupaient assez ceux qui en étaient l'objet pour les porter å demander une justification publique.

  On se rappelle combien les ordalies ou jugements de Dieu furent en usage pendant le moyen-âge et même par-delà. La justice féodale, se tenant en défiance contre la parole de l'homme, qui trop souvent est mensongère, avait résolu d'en appeler à l'incorruptible témoignage des éléments. De là, différentes épreuves, dont les principales furent l'épreuve par l'eau et l'épreuve par le feu. Pour ce qui est de l'eau froide notamment, on considérait que, mise aux prises avec un accusé, elle ne consentirait à lui donner un refuge dans son sein qu'autant que cet accusé serait pur comme elle. Donc, celui-là serait innocent qui enfoncerait ; coupable, qui surnagerait.

  L'épreuve de l'eau froide étant, en général, réservée au petit peuple, ce fut à celle-là que les sujets de Chéu proposèrent de se soumettre. Bien que le Parlement de Paris eût interdit cette sorte de jugement de Dieu par un arrêt du 1er décembre 1604, les juges des lieux accueillirent la demande qui leur était adressée. Au jour donc qui avait été convenu, après s'être préparé par le jeûne et la communion, les accusés se rendirent au point de l'Armançon où les attendaient plus de huit cents spectateurs. Là, on leur lia les bras et les mains aux jarrets et aux pieds, puis on leur passa une longue corde sous les aisselles, afin de retirer de l'eau ceux qui disparaîtraient.
- A l'effroi général des assistants, tous les accusés demeurèrent sur l'eau. Personne, bien entendu, ne chercha à se demander si quelque cause naturelle, comme la complexion des patients, la manière dont l'épreuve avait été faite, n'expliquerait pas le phénomène qui venait de se produire. Pour tous les assistants, point de doute que tous les accusés fussent de vrais sorciers !
- De leur côté, les juges présents à l'épreuve adressèrent aussitôt un rapport aux juges supérieurs, concluant sans doute à ce que des poursuites fussent ordonnées contre les suppôts de Satan. Mais ces derniers juges, appliquant les maximes formulées par le Parlement de Paris, répondirent que l'épreuve n'était point décisive, qu'on devait même se garder de recourir à un tel genre d'épreuves, lequel, non-seulement n'était point propre à faire distinguer l'innocent du coupable, mais avait encore pour résultat impie de tenter Dieu. La justice n'inquiéta donc pas les individus contre qui avait tourné l'épreuve. Est-ce à dire que ceux-ci n'eurent à concevoir pour l'avenir aucune appréhension ? En juger ainsi, serait perdre de vue que les victimes de l'épreuve avaient plus que jamais à compter avec l'aversion publique, et devaient craindre que plus tard des poursuites en bonne forme fussent dirigées contre elles. Aussi plusieurs de ces prétendus sorciers regardèrent-ils comme prudent de se mettre à distance de leurs accusateurs ; et, peu de temps après, on les vit quitter pour toujours le pays avec leurs familles. Quant à ceux qui restèrent, on ne voit pas ce qui en advint. Peut-être eurent-ils la bonne fortune de conserver un repos relatif. Car, quoique les peines édictées contre la sorcellerie restèrent en vigueur jusqu'à la Révolution, on touchait à l'époque où l'opinion publique, par un retour au bon sens, allait s'arracher aux cauchemars qui l'avaient si longtemps terrifiée.

CHARLES MOISET.


4 février 2019

Chéu dans le BSSHNY de 1891


Chéu dans le Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l'Yonne de 1891

Ci-dessous a été retranscrit un  extrait du "Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l'Yonne"  publié en 1891 (Volume 45). Cet extrait écrit par le folkloriste Charles MOISET concerne uniquement la commune de Chéu.

 

 

 

RECHERCHES SUR L'ORIGINE 
DES 
NOMS DE COMMUNES, DE HAMEAUX, DE FERMES
ET DE CLIMATS DE FINAGES DU CANTON DE SAINT-FLORENTIN


Par M. Ch. MOISET
 
COMMUNE DE CHEU

Cadugius (VII° s.), Chéu (XII° s.), Chaducum, Chau (XIII° s.).
  Si ce pays était dans le midi et entouré de terrains pierreux on serait tenté de faire Cadugius synonyme du mot cade, espèce de genévrier employé pour former des haies. Mais il n'y a pas lieu de s'arrêter à cette supposition à propos d'un pays dont le sol n'est même pas propice au genévrier commun.
  A défaut d'explication plus simple et plus saisissante, nous rapporterons celle qu'à donnée M. Prot
« Le caducum du moyen-âge, dit-il, représentait un héritage, une échoite, un bien tombé, chu ou cheu de légitime et directe ligne. Si pour l'homme libre, le bourgeois, le seigneur, son caducum représentait l'héritage direct des ancêtres, pour le serf, le colon, le caducum était, au contraire, le bien de main-morte, parce que, le cas échéant, il tombait, il chéait dans le domaine propre du seigneur. En effet, dans ce sens, de beaucoup le plus général, surtout en parlant de tout un territoire, caducum est synonyme de main-morte ».
  M. d'Arbois de Jubainville rapporte le nom de Chéu au gentilice Catuius dérivé du mot gaulois catu, guerre. Il déclare cependant n'avoir pas rencontré d'exemple de ce gentilice dans les inscriptions ni dans les auteurs du temps de l'empire romain. Mais dit-il (la raison est-elle bien décisive ?), il est nécessaire pour expliquer le nom de lieu Catuiaca d'une station située sur la route de Milan à Arles dans l'itinéraire d'Antonin et il ajoute « Catuius, perdu comme nom d'homme, se reconnait comme nom de lieu au cas indirect Cadugio, dans le testament de Vigile, évêque d'Auxerre à la fin du VII° siècle. C'est aujourd'hui Chéu (Yonne) ».
  Quoiqu'en dise le savant professeur ce n'est pas sans une forte dose de bonne volonté qu'on peut arriver à reconnaître dans Cadugius, ou Cadugio le mot Catuius. 


Origine des noms des différents climats du finage de Chéu.

- Les Noues-Paquin ou Pasquin - Vient sûrement du bas latin pasticium, pascuus ager, pastis, pâturage. Prés où l'on mène paitre les bestiaux qui trouvent dans les noues de l'eau pour se désaltérer. 

- Le Champ-d'Ollan ou Dolent - A Chéu, les anciens appellent encore la Mort la Dolente. Pour expliquer la désignation donnée à ce climat on dit qu'il s'y livra autrefois un grand combat. Les tumuli qu'on rencontre à Chéu, à Jaulges et à Varennes viennent, en une certaine mesure, à l'appui de cette tradition.
  Pour renforcer notre interprétation nous constaterons qu'un hameau de Mézilles s'appelle Champ-Dolent, et que, d'après une croyance locale, on voit sur une roche l'empreinte de deux des pieds du cheval de Charles-le-Téméraire ce qui implique aussi une idée de combat.
  En maints endroits d'ailleurs on rencontre des climats dont la dénomination rappelle des faits de guerre ou de meurtre. Dans la contrée où se livra, en 842, la bataille de Fontenoy on trouve l'Étang-de-la-Guerre, le Champ-de-la-mort, la  Fosse-aux-gendarmes, la Fosse-aux-prêtres, et une foule d'autres appellations non moins significatives. Près du marais de Chaperoy aussi est un chemin qui porte encore le nom sinistre de la Male-Rue. C'est là que, d'après la tradition, furent assassinés par les satellites du gouverneur romain, saint Prix, saint Corcodome et les autres compagnons de saint Pèlerin, l'évêque de l'Auxerrois.

- Les Equoins ou Ejoies. Ces deux dénominations s'éclairent mutuellement.
  Equoins doit être un dérivé, déformé par le langage rustique, de aqua, mot qui a subi tout une série de transformations, telles que, aigue, egue, ave, ève, avant de devenir eau.
  Ejoies vient manifestement du verbe éjouer, qui signifie rouir.
Ejouer le chamvre, cela se dit toujours dans le pays, c'est le faire rouir.
  Or, il y avait autrefois beaucoup de chenevières à Chéu, et l'on voit encore aujourd'hui de nombreuses traces d'anciennes noues dans le climat dont il s'agit.

- La Tenaillère, au cadastre le Lateux-Hallier, sur les anciens titres.
  Bien que cela semble étrange au premier coup d'oeil il pourrait bien se faire que Tenaillère signifiait chênaie. Le mot chênaie a subi des variations et des altérations qui le rendent souvent méconnaissable, comme l'explique M. Cocheris dans ce passage de son livre sur l'Origine et le formation des noms de lieux  « Dans le nord de la France, dit très bien M. Houzé, et dans la Belgique wallonne, le mot chien se dit tien, quien, lchien ces trois formes différentes d'un même nom expliquent pourquoi Thenay (Indre), Quenay (Calvados), Chenay (Marne), représentent tous trois une chênaie; pourquoi Thenailles (Aisne) est identique à Chenailles (Loiret). » Que si un étymologiste aussi autorisé que M. Cocheris n'hésite pas a tirer Thenailles de chênaie, il ne doit pas paraitre téméraire de faire sortir de ce même mot l'expression Tenaillière, diminutif de Thenailles, c'est-à-dire petite chênaie.
  La qualification donnée au climat par les anciens titres vient encore corroborer cette interprétation. Les deux mots Lateux-Hallier ont un sens facile à saisir. Lateux, en patois de l'Yonne, veut dire sol argileux; hallier, agglomération de buissons et d'arbrisseaux qui sert de retraite au menu gibier, comme lièvres et lapins. Et, en réalité, c'était bien là une réserve, selon l'acception cynégétique: le seigneur à qui appartenaient les terrains de ce climat y faisait amener du foin, en temps de neige, pour la nourriture des petits quadrupèdes qu'il voulait conserver.
 Est-il besoin d'observer que le sens de chênaie n'est pas exclusif de celui de hallier ? Les deux choses peuvent se trouver réunies sur un même terrain, ou ont pu s'y succéder, et déterminer, à intervalle, les deux qualifications que nous avons mentionnées.
  A ce climat se rattache une petite légende. On dit qu'en 1700, lorsqu'un certain nombre d'habitants de Chéu qui s'étaient accusés les uns les autres de sorcellerie, furent soumis, sur leur demande, à l'épreuve de l'eau dans l'Armançon, l'un d'eux, saisi d'épouvante en voyant que les cinq qui avaient précédé avaient surnagé et par conséquent étaient reconnus coupables, se déroba tout à coup et alla se réfugier dans le hallier. Malgré la battue à laquelle on se livra à son sujet on ne put le découvrir. Sût-il, par un sortilège, comme on le crut, se changer momentanément en lièvre ? Toujours est il qu'au bout d'un certain temps le prétendu sorcier revint à son domicile, et que, soit compassion, soit frayeur, ses compatriotes se contentèrent de le surnommer le Le
père lièvre.

- Les Blines - Plusieurs localités du département s'appellent les Blins, qu'on écrit aussi Blains. M. Prot dérive ce mot de blanda, blandum, b oussailles, observant que le son an, en se convertit très fréquemment chez nous en ain, ein, in. Exemples emmaincher, mainger, pour emmancher, manger. Cette même étymologie pourrait bien être étendue au climat des Blines dont le sol caillouteux ne comporte que trop les broussailles.

- La Crouillère - Terme équivalent de crot, noue, mare. Ce climat est, en effet, couvert d'eau pendant l'hiver.
 

- Les Pourots - Très probablement l'expression générique pourots en usage à Chéu pour exprimer toute espèce de mauvaises herbes.

 - Le ou les Pargis - Ce nom ne viendrait-il pas du mot parigines qui avait le sens de haies, et dont M. Cocheris ()) fait sortir plusieurs noms de lieux, comme Pargny, Parigny ?

- Praie. -  Pour prés. Cette contrée fut longtemps en pâturages.
 

- La Retraite. -  Lieu retiré, en effet, car une partie du climat est séparée du finage de Chéu par la rivière l'Armançon.
 

- Courtenet. - Tout ce climat ne contient que des champs très courts.
 

- La Bécasse. -  Lieu ou la bécasse se plaît à s'établir.
 

- Le Clouseau. - Ancien clos qui appartenait au seigneur de Chéu.
 

- La Croix-Chicotin. - Climat où fut érigée une croix par un habitant de Chéu, du nom de Jean Chicotin.

 - Vos-Granges ou Vaugrange. - On ne peut songer à donner ici à vos ou vau le sens de val attendu que ce climat est absolument plat. Mais vau ne serait-il pas une altération du mot voie ? Il y avait autrefois, parait-il, une habitation agricole dans cette contrée. Vos ou Vaugrange signifierait alors voie, chemin de la grange.
 

- Les Crantins - Peut-être de la figure du climat, qui présente nombre de hachures, de crans.
 

- Viévaut. -  Apparemment pour vieille, et vaut, pour voie, chemin. Vieille voie. Ce climat se trouve, en effet, près d'un ancien chemin qui existe toujours.

- La Ruelle-au-Bâtard. - D'après la tradition ce climat tire son nom d'un ancien propriétaire d'un champ y attenant, lequel était
bâtard d'un seigneur de Germigny. La mère était domestique chez le seigneur. L'enfant fut inscrit sur le registre des naissances de Chéu avec la qualification de bâtard du seigneur. Il habita Chéu où il fut tisserand. Les anciens du pays n'ont pas oublié son nom.
 

- Les Fosses. - Terrains bas et humides. Il y avait autrefois un trou, dans lequel allaient boire les bestiaux.
 

- Le Sécheron. - La Sèche. - Ces mots s'expliquent d'eux-mêmes.
 

- Le Pléneau. -  Prés souvent remplis d'eau par le ruisseau de Coutais.

- Saute-loup. - On appelle saute-loup à Chéu une barrière formée avec des bourrées et des perches. Or, le climat dont il s'agit, tout employé en chénevières, touchait à l'extrémité de plusieurs ruelles du village. Pour empêcher que les chiens et le bétail n'allâssent faire des dégâts dans les chénevières on éleva au bout de chacune des ruelles des barricades du genre de celles qu'on appelle saute-loup.

- Prés de Bondu. - Ces prés sont traversés par un ruisseau qui porte le nom de Bondu.

- Le Chéron. - Ce climat est très enclavé. L'appellation qu'on lui a donnée n'aurait elle pas pour objet d'indiquer que là existait le droit de cher « Droit, dit le dictionnaire des patois de l'Yonne, que possède un propriétaire de pouvoir passer librement avec une voiture dans une propriété contiguë à la sienne, soit pour les besoins de la culture, soit pour l'enlèvement de ses récoltes » ? Du latin carrela, carrus, chariot, charrette.

- Champ-de-la-Porte. -  Climat qui se trouvait devant la porte d'une ancienne ferme à l'entrée de Chéu.

- Pré Goujon. - Ce climat en nature de pré, il y a cent ans encore, est aujourd'hui en terres. Il est près du ruisseau du Coutais,
et quand ce ru débordait, ce, qui arrivait souvent, ses eaux s'épandaient dans les fossés des prés et y amenaient de petits poissons.


 - La Grande-Loyre, la Petite-Loyre. - Prés fréquemment inondés, et qui ont pu être ainsi dénommés par allusion aux débordements de la Loire. Rappelons aussi que le vieux mot français Loïre signifiait cuve de pressoir.
 

- Le Mont-Oiseau. - Climat particulièrement fréquenté par les oiseaux.
 

- Les Boulées ou Boulés. -  Sans doute pour bouleaux, lieu planté de bouleaux.
 Néanmoins, à Chéu, une autre explication a cours. Le terrain de ce climat est très sablonneux. Sous l'influence de la pluie et même du vent les faites des hâtes s'abattent,. ils boulent (pour s'éboulent) dit-on dans le pays. De là viendrait le nom du climat.

 - Les Aubrons.-  Terrain composé d'un mélange de terre grasseet de gravier. Ce nom d'Aubrons parait venir du mot latin albaretum, lieu planté de bois blanc. C'est de là que l'on tire l'expression Aubray qui s'applique aussi aux endroits plantés d'arbres de même essence.

 - Noyer-Notre-Dame. - Rien n'indique qu'il y eût jamais là, ni une statue, ni une croix élevée à la Vierge.
On est donc porté à supposer que la qualification Notre-Dame s'applique à une ancienne châtelaine du pays qui possédait tout
ou partie du climat.


- Sous Michot  - Terrains en contrebas d'une propriété qui a pu appartenir à un nommé Michot.
 

- La Praie. - Sens de pré.

- Chaume-Seys - Sur les anciens titres il est écrit Chaume au sel qualification qui a pour but d'exprimer que le terrain est
formé de sable siliceux qui, au soleil, brille et a l'apparence d'un banc de sel. Notons, en outre, qu'autrefois, à Chéu, sel se prononçait sey.


- Le Près-des-Chiens - Mauvais prés, qui n'ont, dit-on, d'autre avantage que de produire certaines herbes que les chiens recherchent pour se tenir le ventre libre.

- Les Putemusses. - Petit bois. En patois de l'Yonne, put, pute, signifie laid, vilain; Musse, du latin. mus (rat), trou de rat, de souris. Putemusse voudrait-il pas dire les vilains, les mauvais rats, loirs, lérots, appelés vulgairement raveux, qui foisonnent dans ce bois ?


- Le Sauvoie (bois). De Sylva, bois, forêt.
Des étymologistes autorisés (notamment M. Cocheris) ont tiré de ce mot l'origine de plusieurs noms de lieux, par exemple la Sauve (Haute-Loire) Sauve (Gard) Les Sauves (Var).
  Le Sauvoie est réputé pour avoir été le lieu de réunion des sorciers de Chéu. Là était un grand chêne, qui existe encore, autour duquel on procédait au Sabbat.
  Et à propos du Sabbat, la tradition a conservé des souvenirs qu'à titre de curiosité au moins, il est bon de relater.

  1° Un certain soir que les initiés Chéutins se livraient au Sabbat, passe un habitant de Vergigny qui se rendait à Varennes (pays situés à une lieue environ de Chéu). Attiré par le bruit, il approche et se tapit derrière un arbre pour assister secrètement aux scènes diaboliques qui vont se dérouler. Mais les suppôts de Satan ont, parait il, des yeux d'Argus. L'un d'eux découvre l'espion, le signale au chef du Sabbat. Aussitôt ordre est donné de saisir l'intrus et de l'amener en pleine assemblée. Ainsi fait.
Après interrogatoire, le chef du Sabbat, reconnaissant que le Verginien n'est coupable que du péché de curiosité, le condamne seulement à faire une danse avec les adeptes. Commence une ronde dans laquelle on doit chanter les jours de la semaine, sauf samedi et dimanche. Mais le Vergignien a deux défauts :d'abord il n'est pas initié, et puis il est bossu. Après avoir chanté en choeur les jours sacramentels de la semaine, le malheureux articule la première syllabe du mot samedi. « Qu'on lui ôte sa bosse dit le chef qui est bon prince. C'est assez, comme peine, de le rendre méconnaissable
»
Et la bosse disparut, à la grande satisfaction surtout de la femme du condamné.
Quelques jours après, une voisine du ménage Vergignien, voyant battre dans la grange un individu qu'elle ne reconnait pas, dit à la femme de l'ancien bossu  « Vous avez donc fait venir un batteur des environs pour remplacer votre mari? » – « Mais nom, c'est mon mari lui-même qui bat. » - « Comment votre mari ? mais le batteur que je viens de voir n'a pas de bosse ?» 
– « Pas moins vrai que c'est mon mari. »
Stupéfaction de la voisine qui interroge longtemps sans pouvoir obtenir de confidences, car on se croit tenu au secret. Mais qu'est un secret ? Le plus souvent un fardeau dont on ne demande qu'à se décharger. Peu à peu, pressée par les questions de sa voisine, la femme de l'ex-bossu s'abandonne et finit par confier ce qui s'est passé au Sauvoie. Aussitôt renseignée Mais mon mari aussi a une bosse, se dit la voisine si je l'envoyais au Sauvoie pour la faire enlever » Et voilà qu'au bout de peu de jours notre second bossu se met en route. On lui a dicté ce qu'il doit faire et dire. Il exécute ponctuellement; par malheur, en chantant dans la ronde infernale, il se laisse aller à prononcer tout entier le mot samedi.
« C'est encore un Vergignien s'écrie le chef du Sabbat qu'on lui mette la bosse de son compatriote. Comme l'infortuné en avait déjà une sur le dos, on lui mit la seconde sur le devant.

  2° D'après la tradition encore, le Sabbat Chéutin avait une origine infiniment plus réaliste et utilitaire qu'on ne le suppose.
Le finage de la paroisse était autrefois presque entièrement dépourvu de bois. Il n'en existait qu'un seul, le Sauvoie, qui appartenait au seigneur. Il y a 70 ou 80 ans encore, on ne se chauffait dans le pays qu'avec du gazon de bruyère. Il fallait bien pourtant que les habitants se pourvussent de manches de pioche, de fourches, de perches, etc. A défaut de bois possédé en propre, on allait dans celui du seigneur. Mais pour éviter la concurrence, en même temps que pour tenir à distance les gardes de la seigneurie, les plus hardis et les plus avisés des ravageurs imaginèrent de pousser des cris terrifiants pendant qu'ils se livraient à leurs déprédations.
Le stratagème réussit. Le gros de la population en vint à se persuader que le Sauvoie était fréquenté, la nuit, par
des esprits diaboliques. Les superstitions du temps aidant, le bois fut peu à peu considéré comme le sanctuaire de Satan, et les dévots de Sa Majesté infernale en firent un lieu de rendez-vous.